la Perle

Ma mamie elle a Alzheimer

mardi 29 mars 2011 à 03h41

Je crois que la seule chose qui cloche en moi, c’est moi.

Je suis étrange. Je n’arrive plus à me comprendre. C’est bizarre ce sentiment. Je veux toujours tout dominer, c’est mon mauvais côté. J’ai fait fuir pas mal de potes et de mecs avec ce genre d’attitude. Je ne pourrais pas dire que ma grand mère ne m’avait pas prévenue… Je m’en rappelle déjà depuis toute petite : "Abir, si tu continues comme ça, je souhaite bien du courage à ton futur mari." Et puis ma mamie riait.

Contrairement aux apparences cet article va parler de ma grand mère.
Une mamie géniale dont je ne prends plus des nouvelles depuis un an et demi. Ma mamie elle a Alzheimer depuis six ans maintenant. Elle ne reconnait plus les visages ni les voix. Elle ne connait plus le nom de ses petits enfants ni celui de ses deux filles. C’était ma mamie préférée. Elle était sacrée à mes yeux et j’ai toujours grandi dans l’optique de lui ressembler…

Ma mamie a connu la deuxième guerre mondiale comme toutes les mamies.
Mais ce dont je suis le plus fière c’est que ma grand mère a abrité des soldats américains dans sa cave vers la fin de la guerre. Fille du boulanger du village, elle tenait tête aux nazis. Elle a bien failli y laisser sa peau un soir, mais ça c’est une autre histoire. Mon papy que je n’ai jamais connu était résistant et ça; bah ça, j’en suis tellement fière. Il est allé dans un camps et en est sorti indemne. L’histoire de mon grand père m’a toujours épatée, mais ça, c est aussi une autre histoire.

Ma mamie nous racontait toutes ces histoires autours des repas le dimanche d’été dans son jardin ou bien le soir de Noel. Ma grand mère sentait toujours bon. Elle avait, comme toutes les grands mères, l’habitude d’aller se faire des permanentes. Et elle revenait à la maison, les cheveux laqués avec cette odeur qui me revient encore dans les narines.
Ma mamie elle m’emmenait à la messe le dimanche et moi j’étais jalouse de toutes ces personnes qui avait "le morceau de chips".
Quand on arrivait chez elle, ma grand mère se cachait derrière la porte d’entrée et elle disait "Montrez moi patte blanche" et avec mon petit frère nous étions si excités de la retrouver. J’aimais ma mamie et pour moi, c’était la meilleure.

Un soir en 2004 en plein milieu de ma crise d’adolescence qui s’est vraiment passée très mal de mon côté, ma maman est venue me voir dans ma chambre. Elle m’a expliqué ce qu’était un AVC et ce que cela allait entrainer pour ma grand mère. J’avoue que je n’ai pas très bien compris. " A cause de l’AVC de ma grand mère, j allais encore passer un week end pourri dans sa maison. Sans internet, sans msn, sans mes potes"

J étais devenue bien conne et c est fou ce que je m’en veux. J’avais pas saisi la gravité de la situation. Quelques mois après son AVC, ma grand mère a oublié d’éteindre le gaz chez elle. Je ne sais par quelle chance mon père qui revenait d’une mission diplomatique en belgique était passé la voir et lui a surement sauvé la vie ce soir là. Pourtant, nous ne pouvions rester aveugle face au mal qui la submergeait. Puis, le résultat est tombé : Ma grand mère avait alzheimer.

Ma grand mère ne voulait pas qu’on parle de sa maladie. "Pas devant les enfants" du moins. Elle avait peur qu’on ne la voie plus comme avant. Mais moi, je ne saisissais toujours pas la gravité de la chose. Je continuais à bouder les repas du dimanche et j’attendais juste à l’époque, les textos d’un garçon qui me faisait craquer ou ses appels. Je râlais pour un oui ou pour un non et je m’enfermais pendant des heures dans ma chambre puis dans la salle de bain…

Finalement, mes parents ont décidé d’envoyer ma grand mère en maison de retraite. Ma grand mère a beaucoup pleuré et a fini par dire qu’elle irait.
On rendait visite à notre grand mère de temps en temps. Elle était contente de nous voir mais peu à peu, elle s’est mise à poser les mêmes questions.

Ma mère a passé des mois à se bourrer la gueule et faut dire qu’à la maison c’était pas très joyeux et un jour qu’elle s’était pris le mur du couloir d’entrée dans la tête elle m’a regardé et a dit "Ma maman est morte pour moi"

Je n’ai jamais pleuré devant mes parents. J’ai ma petite fierté. Mais ce soir là, j’ai explosé et j’ai fait une fugue. Enfin, pas vraiment, je suis allée dormir chez une copine.

En revenant le lendemain, ma mère était cool mais je sais que ce problème lui occupe encore l’esprit aujourd’hui et surtout quand elle me dit d’une voix très préoccupée au téléphone:
"S’il te plait, rends nous fiers. On veut te voir entrer dans la vie active, mariée, avec des enfants"

Ca me préoccupe aussi beaucoup car le temps joue contre moi.

En attendant, ma grand mère est toujours dans sa maison de retraite. Elle a fait un autre AVC et ne pourra plus jamais marcher. Ca fait un an et demi que j’ai arrêté de l’appeler. Quand elle a commencé à me vouvoyer au téléphone. Je n’ai plus le courage. C’est de la lacheté, je sais… J’espère que ma grand mère ne souffre pas trop et qu’elle ira rejoindre mon papy très bientôt....

http://www.youtube.com/watch?v=dSH6B3tJXs4