Bien sûr, à chaque jour suffisait sa peine. Et nous étions loin de vivre dans un long fleuve tranquille.
Nous avions des problèmes comme dans toutes les familles.
Moi par exemple je souffrais de ne pas connaître mon père. Je lui en voulais de ne m’avoir jamais serré dans ses bras, de rentrer tard le soir, d’avoir des réunions même le week end. J’étais bien trop petite pour comprendre que c’était lui qui nous faisait vivre, voyager et rêver.
Bien sûr, mon enfance ne ressemble à aucune autre enfance banale et je comprends mieux aujourd’hui la chance que j’ai eu. Attention je ne dis pas que je vivais dans un palais mais au moins mon enfance a été belle, même en habitant dans un pays pauvre. Je n’avais pas les jouets de mes cousins français. Je n’avais pas la technologie de mes amis français. Mais j’avais du soleil tous les jours, des amis adorables, un jardin qui faisait le tour de la maison, un chien fidèle, un abricotier où me réfugier au printemps et des vignes qui poussaient autours du garage. J’étais aussi la plus fort en foot, la plus belle des garçons manqués.
Et je me pavanais telle une reine ou plutôt une dictatrice, du matin au soir, dans les rues de ma ville.
Oh combien je regrette cette époque où l’amour ne me disait rien et où je pensais que l’enfance durait une éternité.
Mais cela n’a pas duré. Il y a eu des séparations. Des pleurs. Beaucoup de pleurs.Des promesses que personne ne tenaient. Des mensonges que personne ne comprenaient. Et puis il y a eu des morts. Du sang. Des cauchemars.
Et cette décision de quitter le logis. Partir dans un nouveau Monde. Là-bas, en France.
Et puis ils sont restés. Et moi j’ai vécu. La première fois. Les fois d’après. L’amour. L’indécision. Le rejet. La haine.
J’ai tenté de grandir tant bien que mal dans un monde qui ne ressemblait pas à ce que j’avais entrepris de devenir.
Mais bon j’avançais. Laissant peu à peu mes rêves d’enfant derrière moi. Les années sont passées. adulescente bien plus tôt que les autres, j’ai subi des coups durs. Psychologiquement je n’étais pas prête. Mais, j’ai appris à me relever.
Jusqu’à ce maudit jour où un mec a décidé d’enflammer tout le monde arabe.
Jusqu’à ce maudit jour où ma vie a basculé définitivement dans les flammes de l’enfer.
Parfois, je reste des heures entières à imaginer ma vie si il n y avait pas eu tout ça. Je fixe le plafond comme si il allait me faire remonter le temps. Comme si des ombres allaient se former et m’emmener avec eux pour explorer les recoins de ma vie.
Ces jours heureux.
Maman est suicidaire. Elle a fini à l’hopital. Maman est triste et je suis loin, et je ne peux rien. Je n’ai pas d’argent, je n’ai pas de travail pour pouvoir l’emmener loin de tout ça.
Mon père, à la retraite, parle comme si il allait mourir du jour au lendemain. Je n’ai pas de fiancé pour pouvoir faire rêver mes parents.
Aucun homme ne veut de moi. Je les répugne au plus profond de leur être.
Avec le temps j’ai appris à avoir un sale caractère pour ne pas laisser entrrevoir ce côté sensible et gentille. Trop bonne, trop conne, c’est comme ça que je m’étais faite avoir il y a quelques années.
Depuis je ne baisse pas la garde et j’ai peur des personnes qui m’entourent.
Je voudrais tellement connaitre le bonheur, je voudrais tellement avoir un travail qui me plait, je voudrais tellement qu’un homme se retourne sur moi et qu’il me trouve belle au réveil, au petit dejeuner, a midi les week end où je ne me coiffe pas. Ou même les fois où je pleurs.
Je voudrais que quelqu’un me prenne dans ses bras pour m’emmener loin de tout ça. Pour revenir dans mon abricotier et penser aux trésors cachés de l’Histoire. Faire un bisou à mon papa avant de dormir et écouter ma maman me raconter les 365 merveilleuses histoire de jeannot lapin.
Je voudrais avoir huit ans à nouveau.