A dix huit ans, on fumait des mentholées pour embêter les hommes assis dans les cafés. Parce qu’on pensait qu’on était assez avancé pour pouvoir faire reculer cette mentalité à la con qui voudrait qu’une femme fumant une clope soit une pute. J’y croyais dur comme fer et tant pis pour le cancer. Je mettais ma jupe et mes grand décolletés uniquement pour choquer. On traînait en groupe dans la cave de Carrefour les vendredi soir, et on allait tous payer nos conso à la même caisse, pour choquer. Nous étions intouchables. Les injures des drogués à la religion effleuraient à peine nos oreilles. A cette époque là, on se sentait vivre. Il y avait un goût d’interdit dans notre jeunesse tunisienne, un goût de liberté volée.Moi rentrant à 3h du matin dans la maison familiale complètement bourrée, ça faisait rire le vieux d’en face qui ne dort jamais. Ca le faisait rire… Il savait qu’au fond, ça lui rappelait, sa jeunesse, à lui. Et parfois il me souhaitait une bonne nuit.
Je pensais réellement que l’extrême, c’était l’étape à suivre pour faire avancer le regard que les tunisiens portaient sur sa jeunesse. Je voulais être libre et que plus personne dans la rue ne me siffle ou ne me traite de pute parce que je mettais de haut talons. Je me voyais déjà élever mes enfants avec les enfants de mes potes et perpétrer ainsi la tradition des tunisiens bons vivants. Souriant et amicaux, toujours dispo pour un petit verre entre amis.
Un jour, il y a eu une Révolution. Cela aurait du être la nôtre. Cela a été la leur. Appropriée, torturée. Mais ce qui m’attriste le plus c’est que mes enfants ne connaîtront jamais ce simple et pur bonheur d’être jeune dans une Tunisie Moderne